The Funerals ♥
J’ai lu « Mes Illusions donnent sur la cour » de Sacha Sperling. En une après-midi. Rapide.Concis.186 pages il me semble.
Une histoire bête et simple, mais j’en ai encore des frissons. Les critiques ont fusé à propos de cet ouvrage. Ce que je crains c’est que les personnes qui ont émis ces critiques soient des adultes. Un livre sur le mal-être adolescent ça s’adresse vraiment aux adultes ? Sincèrement non. Ces gens critiquent en se demandant où est passé Proust, mais cherche-t-on vraiment du Proust en lisant un livre écrit par un gamin de 18 ans ? Je m’interroge.
C’est la décadence du jeune riche de 14 ans, mais loin du cliché Hell ou des articles rébarbatifs qu’on trouve dans ELLE. Car, et c’est malheureux, mais le sujet principal de ce livre, au-delà du mal-être et de la quête la de soi, est la drogue. Sous toute forme, du joint au rail. Alerter. Informer. Agir,par pitié. Je dois écrire sur ce sujet il le faut.
J’ai un ami plongé dans l’herbe, peut-être aussi dans la poudre, qu’en sais-je ? Ses yeux sont rougis, violacés ; sa voix est rauque, ses gestes sont lents. Incapable de sortir des phrases complexes et véritablement raisonnées. Aux sens altérés par la merde qu’il fume, car oui, ça n’est que de la merde.
Ce qui me peine le plus, c’est l’état d’indifférence générale dans lequel mon ami agit. Des amis qui incitent, des amies que cela charme et tout ce qu’ils trouvent à dire au sujet de sa dépendance : « Oh ouais, t’as vu, c’est chaud ». Ils ne font rien. Rien de rien. Trouvent-ils cela excitant d’assister au spectacle d’un tox’ dans toute sa splendeur ? C’est sur ça fait séries américaines. Peut-être se sentent-ils cool à traîner avec le déchet du lycée, peut-être vivent-ils au travers de lui. Voit-il en lui et la drogue un moyen de survivre aux regards des autres ? En croyant qu’ils ont un impact sur sa vie alors que lui ne les voient uniquement comme de petites fourmis en gravitation autour de lui.
Les professeurs semblent aveuglés, bercés d’illusions. Pensent-ils honnêtement que les problèmes de drogues n’existent que dans les cités à risques ? Et que c’est beaucoup plus facile de fermer les yeux sur tout ça. C’est son problème si ce p’tit jeune souhaite se bousiller la santé, après tout ils ne sont pas la causes de ses soucis. Ca n’est pas eux qui l’ont fait goûter pour la première fois. Non, certes. Mais un adulte, c’est pas sensé être responsable ? Même d’un point de vue personnel, fermer les yeux et assister à la descente aux enfers tiendrait presque du criminel.
Je cerne parfaitement le profil de ce genre de garçon.
Nommons le… Gabriel. Gabriel a 17 ans . Il a redoublé sa seconde. Avant, il sortait avec Flore . Mais il l’a largué. Elle finissait par être sérieusement chiante avec sa morale anti-drogue. Gabriel est beau comme un dieu. Pas bête à l’état pur. Il vit avec sa sœur et ses parents. Enfin… Ils ne sont pas souvent là. Trop riches pour donner de leur personne.
Alors il se sent seul Gabriel. Il a toujours bien aimé la fumette, mais la fumette comme moyen d’exister il avait jamais essayé. Oui, Gabriel est terriblement seul. La drogue lui bouffe le cerveau en lui faisant oublier ses sombres pensées. Des joints, des cigarettes, des douilles, des bang, des soufflettes, des indiennes : tout y passe.
Peut-être que Gabriel cherche quelque chose que l’argent et la drogue ne parviennent pas à lui fournir. Peut-être que Gabriel cherche la vie. Pure et brute.
Au moment où il a commencé à consommer seul, le serpent s’est mordu la queue. Tomber dans le vide sans jamais toucher le sol, voir la réalité d’un autre œil, s’élever au dessus de la masse porté par les effets, croire les gens encore plus inintéressants qu’ils ne le sont déjà, vouloir être seul, toujours plus seul.
Gabriel tente sûrement de déployer son parachute mais peut-être que la sangle est coincée ou la toile déchirée. Gabriel hurle dans le silence car sa dépendance n’est que signe d’un état d’urgence. Rime idiote mais si vraie. Gabriel se fout de tout, mais tout ne se fout pas de Gabriel.
Je ne peux pas rester les bras croisés. Si il collapse se sera tellement facile de dire : « On le savait mais on savait pas quoi faire ! ». D’un point de vue peut-être égoiste, ou idiot, je tiens à avoir la conscience tranquille ; pour tous les Gabriel et autres junkies cachés de la planète.
Le point où tout disparaît.